Algérie : la grâce présidentielle en question
Au lendemain du discours télévisé du président Abdelmadjid Tebboune témoignant d’un geste d’apaisement à l’égard des condamnés du Hirak, plusieurs détenus dits d’opinion selon la société civile algérienne ont été libérés. Pour Maître Mustapha Bouchachi, l’un des avocats du journaliste Khaled Drareni, correspondant de TV5MONDE et de Reporters Sans Frontières, condamné en appel à deux ans de prison ferme, ces libérations ne revêtent pas forcément la forme d’une grâce présidentielle.
TV5MONDE : Comment avez-vous accueilli les annonces du président Tebboune à la télévision ?
Maître Mustapha Bouchachi, avocat de Khaled Drareni : Bien sûr, je suis content pour les détenus d’opinion qui vont retrouver leur liberté et rentrer chez eux auprès de leurs proches. Mais c’est inacceptable d’incarcérer un journaliste qui n’a pas commis de délit, seulement parce qu’il est correspondant d’une chaîne étrangère et qu’il était aux manifestations pour faire son travail, et ensuite au bout de presque une année de prison, dire que le président va le gracier avec ces détenus d’opinions. Ces gens-là n’ont pas commis de délit pour être graciés. Seuls les criminels et les délinquants ont besoin d’être graciés, eux étaient les otages d’un système.
TV5MONDE : Khaled Drareni est-il concerné par l’annonce de libérations ?
Maître Mustapha Bouchachi : Légalement, seuls les gens condamnés définitivement peuvent bénéficier d’une grâce présidentielle. Le président n’a pas le droit d’intervenir lorsqu’une affaire est en cours devant les tribunaux algériens. Or dans l’affaire de Khaled Drareni, jeudi 25 février, la Cour suprême va se prononcer sur le pourvoi en cassation. Mais en Algérie, la justice n’a jamais été indépendante. L’an passé, on a eu l’expérience d’une libération de détenus à la suite de l’intervention du président de la République : le 2 juillet 2020, Karim Tabbou et Samir Belarbi ont été libérés bien que leurs affaires soient pendantes devant la justice. Si Khaled Drareni est libéré, ce ne sera pas sous la forme d’une grâce présidentielle, mais parce que que l’exécutif ou le président va ordonner sa libération.
TV5MONDE : Quel impact peut avoir une grâce présidentielle si tous les recours ne sont pas épuisés ?
Maître Mustapha Bouchachi : Les gens qui sont condamnés définitivement ne sont pas nombreux. En ce qui concerne Khaled Drareni, si la Cour suprême rejette le pourvoi, son jugement devient définitif. Mais si la Cour suprême casse et renvoie vers la Cour d’appel, cela veut dire qu’il va être rejugé. La seule chose qu’il est possible de faire, c’est lui donner sa liberté.
TV5MONDE :Quels sont les arguments de la défense pour le pourvoi en cassation ?
Maître Mustapha Bouchachi : Comme en France pour la Cour de cassation, la Cour suprême n’est pas un tribunal de faits, c’est un tribunal de droit. Il regarde si les magistrats qui ont rendu la décision contre Khaled Drareni ont respecté la procédure et le droit. On a déposé des mémoires contre la décision de la Cour d’appel et on a relevé des failles : violations de la loi, violations de la procédure. C’est pourquoi nous sommes très optimistes du fait que la Cour suprême va casser l’arrêt le 25 février.
TV5MONDE : Vous critiquez l’absence d’indépendance de la justice, mais est-ce que la Cour suprême ne subit pas les mêmes contraintes ?
Maître Mustapha Bouchachi : Comme en France pour la Cour de cassation, la Cour suprême n’est pas un tribunal de faits, c’est un tribunal de droit. Il regarde si les magistrats qui ont rendu la décision contre Khaled Drareni ont respecté la procédure et le droit. On a déposé des mémoires contre la décision de la Cour d’appel et on a relevé des failles : violations de la loi, violations de la procédure. C’est pourquoi nous sommes très optimistes du fait que la Cour suprême va casser l’arrêt le 25 février.
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